Le harcèlement scolaire : un sujet qui ne doit pas rester tabou

Le harcèlement scolaire : un sujet qui ne doit pas rester tabou

Le harcèlement scolaire, qu’il soit physique, verbal ou psychologique, est un phénomène qui affecte profondément le développement et le bien-être des enfants. Selon l'UNESCO (2019), environ 32 % des enfants à travers le monde ont été victimes de harcèlement scolaire, un chiffre alarmant qui démontre l'ampleur du problème. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il a pris une importance particulière ces dernières décennies en raison de ses conséquences à court et à long terme sur la santé mentale et physique des victimes. Les études montrent que le harcèlement peut entraîner des troubles psychologiques graves, tels que la dépression, l’anxiété, voire des pensées suicidaires (Hawker & Boulton, 2000). 


Par ailleurs, les enfants qui subissent du harcèlement scolaire peuvent être amenés à penser qu’ils sont, d’une façon ou d’une autre, responsables de ce qui leur arrive. Il est donc nécessaire d’ouvrir le dialogue avec eux afin qu’ils soient en mesure d’en parler et qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas responsables.


La Tribu Happy Kids aborde dans cet article ce sujet d’une importance majeure et vous apporte des éléments pour comprendre ce phénomène et dialoguer avec votre enfant.


Qu’est-ce que le harcèlement ?


Le harcèlement se caractérise par son aspect répétitif. Il s’agit d’actions ou de paroles répétées dont l’intention est de nuire à une personne. Chez les enfants, le harcèlement se manifeste principalement sous trois formes : 

  1. Le harcèlement physique, incluant les coups, les bousculades et toutes les autres formes de violences corporelles, voire à caractère sexuel. Les enfants victimes de harcèlement physique peuvent souffrir de blessures visibles, mais également de traumatismes psychologiques durables.
  2. Le harcèlement verbal : les insultes, les moqueries, l’humiliation et les menaces constituent le harcèlement verbal. Ce type de harcèlement peut avoir un impact profond sur l’estime de soi et la confiance en soi des enfants, créant parfois des blessures qui persistent à l’âge adulte.
  3. Le harcèlement psychologique : isolement social, manipulation émotionnelle, intimidation … tous ces comportements créent chez l’enfant qui en est victime un sentiment d’abandon et d’infériorité, dont les répercussions peuvent s’observer sur le long terme. 

Le harcèlement peut aussi être discriminatoire, lorsqu’il se se base sur la discrimination liée à des caractéristiques spécifiques de la victime, comme son origine ethnique, sa religion, son sexe ou encore son handicap. Les agressions peuvent être physiques, verbales ou relationnelles, mais elles sont motivées par des préjugés et une volonté de marginaliser la victime en raison de sa différence perçue (Monks et Smith, 2006).

Ce type de harcèlement renforce les stéréotypes et les inégalités sociales, et il peut conduire à une marginalisation accrue des enfants appartenant à des groupes minoritaires ou stigmatisés.

 

 

Expliquer le harcèlement à un enfant


La manière d’aborder le harcèlement avec un enfant doit être adaptée à son âge pour garantir une bonne compréhension et un soutien adéquat. Pour les jeunes enfants, il est essentiel de rester simple et concret. Il est recommandé d’utiliser des termes qu'ils comprennent, d’utiliser des propos imagés, comme "méchanceté" ou "blessures", et de leur expliquer que personne ne doit les traiter mal ou les faire se sentir tristes (Olweus, 1993). Il est crucial de les encourager à exprimer leurs émotions et à parler à un adulte s'ils se sentent mal à l'aise.


Chez les enfants plus âgés (à partir de 7 ans), il est possible d'approfondir la discussion en expliquant les différents types de harcèlement (physique, verbal, social, en ligne) et en insistant sur l'importance de la communication (Espelage & Swearer, 2004). Il est essentiel de les aider à reconnaître les signes de harcèlement et à comprendre que ce n'est jamais de leur faute


Enfin, les adolescents (12 ans et plus) peuvent être invités à discuter plus en détail des dynamiques sociales complexes et des pressions de groupe. Un dialogue ouvert et respectueux peut les aider à gérer ces situations, qu'ils soient victimes ou témoins (Rivers, 2011). 


À tout âge, l'écoute active et le soutien inconditionnel sont indispensables pour que l'enfant se sente en sécurité (Rigby, 2003).

Prévenir un enfant permet non seulement de le protéger, mais également de protéger ses camarades, car dans une situation de harcèlement, trois rôles sont toujours présents : la victime, l’agresseur et le témoin.

La fréquence du dialogue joue également un rôle clé : plus les discussions ouvertes sont régulières, dans un cadre bienveillant, plus l'enfant se sentira à l'aise pour aborder ce sujet, évoquer des situations inquiétantes ou exprimer ses émotions. Si l'expression des émotions est difficile pour l'enfant, il est possible de recourir à des outils tels que le kit de médiation émotionnelle créé par La Tribu Happy Kids !



Enfant victime de harcèlement scolaire : les signes qui ne trompent pas


Cependant, malgré toutes les précautions prises, il peut arriver qu’un enfant n’arrive pas à parler du harcèlement scolaire qu’il subit. Les signes d'alerte du harcèlement scolaire chez les enfants peuvent être variés et subtils. Ces signaux peuvent notamment être d’ordre physique, psychologique, émotionnel ou comportemental, tels que : 

  1. Des douleurs, qui peuvent résulter à la fois de coups portés à l’enfant à l’école mais également être la manifestation physique d’un sentiment (la peur, l’anxiété, la tristesse …) ;
  2. Des insomnies ou des cauchemars à répétition ;
  3. De la nervosité ou de l’anxiété quotidienne, une vigilance extrême, une tristesse persistante, des explosions de colère soudaines, excessives ou inexpliquées ;
  4. Un repli sur soi, une perte de relation sociale voire même une crainte de sortir avec ses camarades d’école ;
  5. Une peur accrue d’aller à l’école, une chute soudaine des résultats scolaires

Ainsi, il faut être très vigilant lorsqu’un ou plusieurs de ses signaux se manifestent. Même s’ils ne sont pas systématiquement liés à une situation de harcèlement scolaire, ils doivent amener l’ouverture d’un dialogue avec l’enfant. Il est primordial que ce dialogue se fasse dans un climat de confiance et de bienveillance afin que l’enfant puisse se sentir libre d’expliquer ce qu’il traverse et ressent. Il est possible que l’enfant ne s’ouvre pas directement à ses proches, la récurrence du dialogue et la patience sont donc primordiales.


Néanmoins, si vous constatez que votre enfant souffre mais qu’il n’arrive pas à vous en parler malgré tout, vous pouvez vous tourner vers un professionnel de santé. Il existe aussi de nombreuses associations, comme l’association Parle, je t’écoute, qui vient en aide aux enfants et à leurs proches. Enfin, le gouvernement a mis en place une plateforme unique face aux situations de harcèlement à l'école ou en ligne, joignable au 3018.


 

Les conséquences du harcèlement à l’école sur la réussite et l’adaptation scolaires

Le harcèlement scolaire, quelle que soit sa forme, a des conséquences graves et durables sur le développement psychologique, social et scolaire des enfants. Les répercussions du harcèlement scolaire ne se limitent pas au moment où l’enfant est victime, mais peuvent persister bien au-delà, affectant son bien-être tout au long de sa vie.


Les conséquences psychologiques du harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire a un impact direct sur la santé mentale des enfants. Les victimes de harcèlement scolaire présentent souvent des symptômes émotionnels et psychologiques significatifs qui peuvent s’intensifier au fil du temps si le problème n'est pas résolu.

  • Anxiété et troubles anxieux : Les enfants harcelés à l’école montrent fréquemment des signes d'anxiété, notamment de la peur, de l'appréhension ou des crises d’angoisse. Ces enfants peuvent développer des troubles anxieux généralisés ou des phobies sociales en raison de leur expérience de victimisation (Rigby, 2003). Ils vivent dans la peur constante de subir de nouvelles agressions à l’école, ce qui affecte leur bien-être quotidien.

  • Dépression : De nombreuses études ont montré une forte corrélation entre le harcèlement et la dépression chez les enfants et adolescents. La dévalorisation, la honte et l'humiliation subies au quotidien peuvent entraîner un profond sentiment de désespoir chez l'enfant victime (Hawker & Boulton, 2000). Les symptômes dépressifs incluent une perte d'intérêt pour les activités, des troubles du sommeil, une fatigue excessive et une tristesse prolongée.

  • Idées suicidaires et comportement suicidaire : Dans les cas les plus graves, le harcèlement peut pousser les enfants à envisager le suicide. Une étude menée par Kim et al. (2005) a montré que les enfants harcelés sont davantage à risque de développer des pensées suicidaires et de commettre des tentatives de suicide. Les victimes de harcèlement ont souvent l'impression que la situation est sans issue, ce qui peut les conduire à considérer le suicide comme une échappatoire.

  • Troubles de stress post-traumatique (TSPT) : Certains enfants victimes de harcèlement développent des symptômes proches du stress post-traumatique. Ils peuvent revivre les événements traumatiques, éviter les lieux (école) ou personnes liés à leur harcèlement et se sentir constamment en état d’alerte (Rivers, 2011). Ces symptômes peuvent persister longtemps après la fin du harcèlement.

Les conséquences du harcèlement à l’école sur la réussite et l’adaptation scolaires

Le harcèlement scolaire a également un impact direct sur les performances et l’adaptation des enfants à l’école. Les victimes de harcèlement scolaire sont souvent incapables de se concentrer sur leurs études, ce qui nuit à leur réussite scolaire et à leur sentiment d’appartenance à la communauté éducative.

  • Diminution des performances scolaires : Les enfants harcelés à l’école présentent fréquemment une baisse de leurs résultats scolaires. L'anxiété, la peur et la détresse émotionnelle engendrées par le harcèlement scolaire réduisent leur capacité de concentration et leur engagement dans les tâches académiques (Juvonen et al., 2011). Ils sont également plus susceptibles de rater des devoirs ou de se désengager des activités scolaires.

  • Absentéisme et décrochage scolaire : Les enfants harcelés à l’école tendent à éviter l’école pour échapper à leurs agresseurs, ce qui conduit à un taux élevé d’absentéisme. L’absentéisme fréquent peut, à son tour, entraîner des lacunes dans l’apprentissage et une baisse du niveau scolaire, augmentant le risque de décrochage (Smith et al., 2004). De plus, certains enfants peuvent refuser complètement de fréquenter l'école en raison du climat de peur qu’ils ressentent.

  • Perte de motivation : Les victimes de harcèlement à l’école  ressentent souvent une perte de motivation pour l'apprentissage et les activités scolaires. Ce désengagement est une conséquence directe des difficultés émotionnelles et psychologiques auxquelles ils font face. L’école, au lieu d’être un lieu d’apprentissage et de socialisation positive, devient une source de stress permanent.

Les conséquences sociales et relationnelles du harcèlement scolaire

Le harcèlement scolaire affecte profondément la manière dont les enfants interagissent avec leurs pairs et développent leurs relations interpersonnelles. Les effets sociaux sont souvent durables et influencent la capacité de l’enfant à tisser des liens avec les autres, tant dans l’enfance que dans sa vie adulte.

  • Isolement social : Les victimes de harcèlement, en particulier de harcèlement relationnel ou social, sont souvent isolées de leurs pairs. L’exclusion, la propagation de rumeurs ou l’intimidation amènent la victime à se sentir rejetée et marginalisée. Cet isolement peut conduire à une perte de compétences sociales essentielles, ce qui rend difficile l’établissement de relations positives avec les autres (Crick & Grotpeter, 1995).

  • Difficulté à faire confiance : Les enfants harcelés développent souvent une méfiance envers les autres, particulièrement s’ils ont été trahis ou humiliés par des personnes en qui ils avaient confiance. Cela peut entraîner une difficulté à nouer des amitiés ou à maintenir des relations saines, tant pendant leur enfance que dans leur vie adulte (Lereya et al., 2015).

  • Problèmes de comportement : Certains enfants victimes de harcèlement peuvent développer des comportements agressifs ou autodestructeurs en réponse à leur souffrance. Le harcèlement peut amener certains enfants à devenir eux-mêmes harceleurs, reproduisant les dynamiques de pouvoir qu’ils subissent (Perry et al., 2001). D'autres enfants peuvent adopter des comportements de retrait, évitant toute forme de confrontation sociale par peur de nouvelles violences.


En conclusion, le harcèlement scolaire chez les enfants est une problématique grave qui ne doit pas rester tabou. Ses conséquences sur le développement émotionnel, social et cognitif des enfants sont multiples et peuvent perdurer tout au long de leur vie. Il est essentiel de briser le silence autour du harcèlement scolaire et d'encourager un dialogue ouvert et constructif entre les enfants, les parents et les éducateurs. 


La prévention par l’éducation, la sensibilisation et l’instauration d’un environnement scolaire sûr sont des éléments clés pour combattre efficacement le harcèlement scolaire. Il ne s’agit pas seulement de réagir aux situations de harcèlement scolaire lorsqu'elles se produisent, mais de mettre en place des stratégies de prévention pour protéger les enfants et leur permettre de se développer dans un cadre respectueux et bienveillant.



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Sources

Crick, N. R., & Grotpeter, J. K. (1995). Relational aggression, gender, and social-psychological adjustment. Child Development, 66(3), 710-722.

Espelage, D. L., & Swearer, S. M. (2004). Bullying in American schools: A social-ecological perspective on prevention and intervention. Lawrence Erlbaum Associates.

Hawker, D. S. J., & Boulton, M. J. (2000). Twenty years’ research on peer victimization and psychosocial maladjustment: A meta-analytic review of cross-sectional studies. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 41(4), 441-455.

Holt, M. K., Finkelhor, D., & Kaufman Kantor, G. (2007). Hidden forms of victimization in elementary students involved in bullying. School Psychology Review, 36(3), 345-360.

Juvonen, J., Wang, Y., & Espinoza, G. (2011). Bullying experiences and compromised academic performance across middle school grades. Journal of Early Adolescence, 31(1), 152-173.

Kim, Y. S., Leventhal, B., Koh, Y. J., Hubbard, A., & Boyce, W. T. (2005). School bullying and youth violence: Causes or consequences of psychopathologic behavior?. Archives of General Psychiatry, 63(9), 1035-1041.

Monks, C. P., & Smith, P. K. (2006). Definitions of bullying: Age differences in understanding of the term, and the role of experience. British Journal of Developmental Psychology, 24(4), 801-821.

Olweus, D. (1993). Bullying at school: What we know and what we can do. Blackwell Publishing.

Perry, D. G., Kusel, S. J., & Perry, L. C. (2001). Victims of peer aggression. Developmental Psychology, 24(6), 807-814.

Rigby, K. (2003). Consequences of bullying in schools. Canadian Journal of Psychiatry, 48(9), 583-590.

Rivers, I. (2011). Bullying: A handbook for educators and parents. Rowman & Littlefield Publishers.

Smith, P. K., Pepler, D., & Rigby, K. (2004). Bullying in schools: How successful can interventions be? Cambridge University Press.

UNESCO. (2019). Behind the numbers: Ending school violence and bullying. United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization.

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